lundi 21 juin 2010

Prendre le temps de...

Paris est une ville dont la splendeur, l'élégance et le raffinement ne cessent d'alimenter les conversations. Quand on pense à Paris, on pense à ses nombreux cafés, ses bistrots très souvent bondés de gens qui s'arrêtent sur l'instant du moment simplement pour prendre un café, boire un verre, discuter entre amis. J'ai toujours envié ces gens qui savent prendre le temps, ceux qui savourent ces moments d'arrêt, ceux qui prennent le temps de réfléchir.

Après plusieurs mois à apprivoiser ma nouvelle vie j'ai décidé de me lancer. J'ai décidé  de tenter l'expérience et de vivre comme une "vraie"  Parisienne.  Je suis partie peu après le déjeuner, avec mon kit de la parfaite écrivaine: livre, journal, carnet de notes et stylo en main, en direction d'un café mais lequel?  Le Café de Flore? Non trop ringard.  Les deux Magots? Trop touristique. Le Diplomate? Trop loin.  J'ai opté pour un café juste assez animé et très bien situé: Chez Francis, fameux pour ses coquillages et ses huîtres et dont la terrasse donne directement sur la Tour Eiffel.  Dès mon arrivée, j'ai salué le serveur qui se déplaçait entre les tables avec agilité et assurance.  J'ai choisi une table à l'extérieur en plein centre pour ainsi ne rien manquer, être dans le coeur de l'action.  J'ai pris bien soin de m'installer comme tout le monde c'est-à-dire alignée derrière la table de façon à voir les gens déambuler dans la rue et peut-être attraper des bribes de conversations.  Bien que complètement coincée entre mes deux voisins qui n'avaient nullement l'air importunés par ma présence ceux-ci ne m'ont pas pour autant faciliter le passage.  Je n'avais qu'à me débrouiller.

Alors, me voilà me tortillant entre chaises et clients pour finalement atteindre mon siège avec l'espoir de profiter un peu du soleil, tout comme mes voisins.   Le serveur avance vers moi d'un air sympathique, il me demande ce que je désire.  Comme je viens tout juste de déjeuner, je n'ai pas faim.  Je regarde à ma droite et à ma gauche, la plupart de mes voisins sirotent un  expresso, cigarette à la main.  Problème: non seulement je ne suis pas accro au café, pire encore je ne bois pas de café!  Après une bonne dose d'hésitation devant le serveur qui montrait ses premiers signes d'impatience, pour un instant j'ai pensé au pastis mais tout compte fait, j'eus vite passé pour une  alcoolo et j'étais bien loin de la Côte d'Azur.  Je me ressaisis et je décide de prendre un citron pressé, voilà! Parfait, me suis-je dit.  C'est français, c'est frais, c'est bon.  Me voilà assise au café, il fait beau, le café est rempli de gens cachés derrière leurs lunettes oversize, je me sens dans le coup, je commence ma vie de Parisienne! 

J'attends mon verre. Je m'empresse d'imiter mes voisins qui discutent entre eux, lisent ou qui regardent les gens qui marchent dans la rue et  les voitures qui se chicanent et s'entre-croisent sur le rond point.  Après quelques minutes à regarder dans le vide, je m'impatiente et je comprends rapidement que je  ferais mieux d'occuper mon esprit avant de lâcher prise.  Je décide d'ouvrir mon livre et de lire, comme les Parisiens.  Eh bien je n'y arrive pas.  Je n'y comprends rien.  Pourtant mon livre est très bon. Le temps est merveilleux.  Mais ça ne va pas.  Je n'ai pas l'habitude de lire dans un café et encore moins sur la rue en plein jour alors que j'ai une tonne de choses à faire.  Je lis généralement le soir ou en vacances mais certainement pas en plein après-midi et encore moins dehors!  Bon, le journal s'avérera peut-être une meilleure solution.  Je commence à lire mais  nouveau problème à l'horizon: la cigarette!  Depuis que la France a adopté sa politique  anti-tabac, les terrasses sont envahies par les fumeurs et des fumeurs à Paris c'est pas ce qui manque.  Je dois avouer que mon étonnement  était grand.  Quoi, suis-je la seule qui croyait que les Français boycotteraient cette loi?  Eh bien non, ils la respectent, si bien que les terrasses sont devenues de véritables fumoirs. J'étouffe, je suis inconfortable. Heureusement mon citron pressé  arrive.   J'allais pouvoir me concentrer sur autre chose que mes voisins fumeurs.  J'ouvre mon journal.  Autre problème: pas capable de lire mon journal sur une table ronde qui peut à peine accueillir 2 plats.  J'ai rapidement le sentiment de déborder sur mes voisins et à les voir me donner  le look, je comprends que mon impression est la bonne.  Je referme mon journal.  Je me mets alors à regarder les gens.   J'aperçois sur ma droite un couple qui s'embrasse.  Je les observe.  Ils sont amoureux.  S'agirait-il d'une relation illicite? Qui sait.  Puis un peu plus loin de biais, je vois un homme en imperméable qui semble absorbé par son écriture.  Serait-il écrivain, un vrai? Est-ce que je devrais le reconnaître? Je n'ai aucune idée de qui ça peut être. Je note aussi que certains individus sont assis seuls et regardent dans le vide d'un air calme et serein et que d'autres qui sont assis côte à côte  affichent eux aussi cet espèce d'air décontracté, le regard rivé sur  la rue et ne disent mot ou à peu près pas.  Enfin sur ma gauche, je vois des gens qui affichent un air pensif, sont absorbés par leur lecture ou discutent entre eux sans se presser le moins du monde, comme si le temps s'était arrêté. Mais pourquoi diable je n'y arrive pas!  Pourtant, j'étais si bien intentionnée.  Lunettes accrochées sur le nez, foulard enroulé autour du cou, plume à la main, livre, journal, citron pressé etc.  J'ai mis le paquet.  Était-ce mon côté Nord-Américaine stressée?  Ou est-ce simplement que les Français sont plus calmes que nous? Hum, pas si sûre.   En fait, les Français sont à mon avis aussi sinon plus stressés que nous.  Mais lorsque vient le temps de se prélasser au soleil ou de flâner, de s'arrêter au café et de profiter de la vie et de discuter, ce sont les champions du monde. Aucun remords. Ils profitent de l'instant, ça fait partie de leur mode de vie. Ils discutent, ils argumentent autour d'un verre, d'un café, c'est viscéral.  Je les envie. J'aimerais faire comme eux.  J'ai l'impression que pour y arriver il faudrait me déprogrammer!  Oublier la liste, la longue liste qui ne me stresse pas, du moins c'est ce que j'aime bien croire, mais qui est toujours là dans mon conscient et mon subconscient et qui me suit toujours et partout. Mais quel défi!  J'ai fait plusieurs tentatives, pas toutes très réussies mais j'y ai mis les efforts.  Résultat: après plusieurs sorties au café, plusieurs citrons pressés derrière la cravate,  (au point où j'ai le sentiment de développer un problème aigu d'acidité dans l'estomac), je commence enfin  à apprécier ces moments avec moi-même et à apprivoiser une façon différente de vivre mais mieux encore, je ris.  Je ris de moi et de mon côté crinqué. Finalement, doucement, sans faire de bruit, l'épiphanie se produit.  À l'occasion il m'arrive de pouvoir lire et écrire au café, entourée d'inconnus et je ne vois plus le temps passé.  Je ne suis pas Parisienne pour autant mais je commence à prendre certains plis, les bons.

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